09 mai 2013

Je me souviens de tout.


Il faut que je me réveille.
Ca fait déjà bientôt deux mois et demis que tu es morte. Désolé pour le mot. Certain n’osent pas le prononcer. Comme si l’expression “décéder” rendait moins mort! Je l’ai même entendu dire pour un chien, même un arbre séculaire. Ridicule!  Tout comme ce sempiternel “travail de deuil”.

Le temps des formalités se termine, arrive bientôt le temps de  la solitude. Des formalités!!! Tu parle d’une expression idiote!  Comme si être quitté pas un être cher était une formalité!!!




Tu venais juste de mettre un pied dans la retraite. Un pied dans la retraite, un pied dans la tombe.  Après de longs mois de chimio, on te fait comprendre et on nous fait comprendre que ta vie allait peut être se terminer dans quelques mois. Et tu comprends que tu ne verras  peut être pas grandir ta petite fille qui vient  de naître quelques jours auparavant- Tu n’assisteras  peut être pas au mariage de notre fille ce mois-ci. Ca c’est sûr! Tu ne verras rien de toutes ces joyeuses assemblées familiales.


Comment cela a-t-il bien pu arriver? La faute à qui? La tienne? Qui ne buvais, ni ne fumais, ne mangeais que sobrement, et pas d'exotique ou sortant de l’ordinaire!!! La faute à qui?


Et je me souviens de tout.
  
L’opération.
Il y a maintenant presque trois ans, tu étais  déjà en cessation d’activité, une sorte de préretraite, qu’une équipe de l’hôpital Edourad Herriot, de LYON,  pratiquait sur toi un opération de la vésicule biliaire, somme  toute assez bénigne. Au cours de cette intervention, un geste pour le moins "maladroit" provoquait une pancréatite aiguë.  Une seconde opération, la pose d’un stent, était pratiquée par le professeur responsable du service, quelques semaines plus tard. Nous avions insisté pour que ce soit lui. Ca! je m’en souviens, c’était après les fêtes de fin d’année 2010.


L’attente.
Souviens toi. C'est au printemps 2012, “une grosse gestation”, intriguée de ne pas avoir été revue par “le spécialiste” pour une visite de contrôle ou une nouvelle opération de la vésicule, tu demandais  à notre médecin référent, de Chazay-d'Azergues, si cet abandon d'un patient était normal ou s'il s'agissait  d'un oubli.


Je me souvient de ce retour précipité de vacances dans le cantal, à la demande du “spécialiste” qui s’affolait enfin. Je me souviens qu'après plusieurs examens il renonçait à une nouvelle intervention pour cause d'apparition de métastases. C'était, je m’en souviens le 23 avril 2012.


Ca m’est revenu puisque ça n'est que le  22 février 2013 pendant ta dernière hospitalisation, je  recevais le CD-Rom de cette visite.  Un CD-ROM sans explications aucunes et sans  lettre d'accompagnement, de mots d’excuses. Drôle de procédé et  drôle de coïncidences que ce CD-ROM parvienne, alors que tu vivais  tes dernières heures!! Etrange! Ne trouves tu pas?


Un CD-ROM qui me  renvoi un an et plus en arrière pour me balancer sèchement à la figure ces mois de souffrances tant physiques que morales subies par toi. Tu en as eu du courage! Je n’étais pas en reste, sache-le. Tes angoisses étaient les miennes, et tes espoirs aussi.


Replay!!!!
Je revois, ce Professeur, penaud mais rassurant, nous recevant à la nuit presque tombante après  nous avoir fait patienter des heures interminables dans une sombre salle d'attente dans un couloir miteux du pavillon "H" pour nous annoncer, sans s’étendre en excuses, (il devait être pressé de rentrer chez lui en cette fin de journée), "que cet état de fait, cette carence, regrettable était due à un oubli, à une surcharge de travail de notre équipe administrative, de ses secrétaires ....................”. et que tu devais subir des chimiothérapies...........".  


Je me souviens de ce regard affolé que tu m’as lancé une fois arrivés chez nous. Ce fut un des pires moments de notre vie. Je me souviens de cette phrase que tu as criée, terrassée par le peu d’espoir en ton avenir “ MAIS JE NE SERAI PLUS LA AVANT LA FIN DE L ANNEE!!!””.
Bien sûr je n’ai pas cru à ce dénouement là. Je t’ai juré souvent que tu t’en sortirais. J’avais cet espoir. J’y croyais fermement. La Ligue contre le cancer nous a tant et tant dis que les cancers se guérissaient. J’ai tant prié pour toi.






Je me souviens de cet autre praticien distant au patronyme biblique, qui fut délégué quelques temps après pour nous expliquer  ” la suite”  (Et passe au goal!!!!) et qui nous reçût  au sous sol du pavillon "H", empêtré dans ton dossier médical, et surtout dans l'ouverture et l’incompréhension de son ordinateur qu'il ne maîtrisait de toute évidence pas. Pas un regard pendant tout ce temps à aucun de nous deux. Les djins n’arrêtaient pas de passer et repasser. Cette situation ubuesque te fit tout de même sourire lorsqu’il effaçait par erreur le rapport du “spécialiste”.


Je me souviens du temps insensé qu'il mît pour enfin commencer à nous expliquer ce qui allait se passer, et seulement à cause d’un mouvement d'impatience de notre part, car nous serions encore à attendre ses explications.  Des explications à tel point embarrassées que nous avons dû consulter d'autres spécialistes dans d'autres hôpitaux. Peut être était-ce un excellent praticien mais humainement très nul.  Je tairai le nom de ces gens. Ils sont à vomir.


Par bonheur, si je puis dire, nous avons été pris en mains par le formidable Docteur Walter, tu l’aimais bien! et son équipe compétente de l'UJOM. Le service Oncologie médicale.. Nous y avons rencontré du personnel d’une grande gentillesse et d’un grand dévouement. J’irai les voir un de ces jours. Je  me souviens de ces heures passées à ton chevet pendant que tu subissais tes protocoles inutiles.


Mais le mal était fait. Deux protocoles de chimios n'ont pas été efficaces et un troisième commencé en décembre à porté l’estocade à ton état de santé. On t’avait inoculé un virus fatal!!!!! La faute à pas de chance!!


Quel gâchis!!!! Parce que le “spécialiste” n’a pas décidé d’enlever en temps voulu ta vésicule; n’a pas daigné prendre de tes nouvelles!!!, Ca n’était tout de même pas dur d'ôter cet organe pour un spécialiste!!! Combien de gens vivent  sans lui? Tu serais encore près de moi.


Oh! Bien sûr, pendant ta fulgurante agonie,  j’ai exprimé ma colère en adressant une lettre bien sentie à ce “spécialiste”. Et il m’a répondu que ton cas était exceptionnel, qu’on connaissait mal le cancer du pancréas. Mais pas d’excuses bien sûr. Tout juste des condoléances.


Ca me fait une belle jambe que ton cas fût exceptionnel!!! Tu n’es plus là pour le savoir. Tu devais bien t’en douter!!

Tu reposes à présent dans le cimetière de mon village du Cantal. Dans ton mausolée de marbre rouge étincelant sous le soleil  et la pluie bâti à la hâte rien que pour toi. Pour que tu ne sois "pas enterrée comme les chiens" . Merci pour mes parents et mes ancêtres, merci pour les poilus de 14/18 et les boys de 52ème Airborn qui reposent ainsi.  Et dire que tu détestais ce genre d’ultime maison!  Tu me l’as tant et tant dis!  Mais “on” n’a pas voulu m’entendre. Et pour moi, en tous cas, ce fût le coup de grâce.
Adieu mon Amour.